Condorcet (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de Condorcet) naquit le 17 septembre 1743, à Ribemont en Picardie. Son geôlier le retrouva mort dans la prison de Bourg-la-Reine le 29 mars 1794, le surlendemain de son arrestation. Condorcet est une grande figure, une très grande figure de la fin du XVIIIème siècle et reste encore une référence incontournable pour nous aujourd’hui. On dit qu’il fut le dernier philosophe du siècle des Lumières.

Cet homme de génie aux multiples facettes, en avance sur son temps, définit les droits naturels de l’homme dans toute leur étendue : ceux de la sûreté, ceux de la propriété, ceux de la liberté, ceux de toutes les nations qui osent se vanter d’être libres. Comme Montesquieu et Voltaire il combat vigoureusement l’esclavage. Il est pour l’égalité des hommes et des nations. Il milite avec grande insistance pour la formation et le vote des femmes. Il défend les différentes formes de libertés : liberté politique, liberté individuelle, liberté de conscience, liberté de la presse. Grand mathématicien, émule de D’Alembert, il est élu en 1776 secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. Il insiste sur l’importance des mathématiques pour les sciences humaines. Il est le premier à avoir développé une théorie statistique appliquée au vote en politique. En 1782 il est élu à l’Académie Française. Il fut très proche de Turgot, ministre des finances de son temps. Il rédige avant et pendant la Révolution de multiples documents pour établir une nouvelle constitution. Opposé au centralisme et à la tyrannie des institutions, il se détache des Jacobins.

Ce mathématicien exceptionnel ne se perd pas dans les hautes sphères de l’abstraction pure mais se soucie aussi très tôt de l’économie sociale. Il croit au progrès induit par le savoir et l’instruction pour tous. Il met en valeur le progrès scientifique et technique. S’appuyant sur les faits et le raisonnement, il pense qu’il n’y a pas de limite au perfectionnement des facultés humaines. D’une grande bonté disait-on, il est aussi d’une très grande intransigeance face à l’injustice et à tout ce qu’il considère comme des contre-vérités. Il veut en particulier détruire les inégalités sociales par l’instruction, pas seulement à l’école, mais à tous les âges. Ses cinq mémoires sur l’instruction publique, sont peut-être son plus grand titre de gloire. L’augmentation et la mise en œuvre, pour tous les citoyens, de ce que nous appelons aujourd’hui les compétences, est pour lui une marque incontournable de respect, d’efficacité et d’humanité. Pas de démocratie du pouvoir sans démocratie du savoir.

Dépassant les passions, les croyances et les émotions, il pense que la raison est universelle et qu’il y a des lois morales applicables à l’humanité entière. Grand intellectuel et visionnaire, il est aussi un homme d’action. Avant-gardiste, il est aussi un homme de courage. Contre la peine de mort, cohérent avec sa conviction, il vote contre celle de Louis XVI malgré son engagement absolu pour la République dont il est l’un des tout premiers promoteurs. Cela lui vaudra sa propre condamnation.

Nous lui devons beaucoup d’articles et d’ouvrages toujours d’un grand intérêt. Il sait convaincre par sa simplicité, le sentiment de profonde conviction, l’honnêteté scientifique et politique que respire chaque ligne en particulier dans le dernier et très remarquable ouvrage qui reste attaché à son nom : « Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain ». Ce dernier ouvrage, rédigé dans des conditions dramatiques à la toute fin de sa vie, est un véritable testament qui résume son parcours de mathématicien, de philosophe et de politique, d’humaniste au sens large. Ce parcours qui finit par une condamnation injuste et une mort toujours non élucidée, le fait entrer au Panthéon en 1989 de façon symbolique sous la forme d’un cercueil vide, son corps n’ayant jamais été retrouvé.

Condorcet est original. Soucieux de l’avenir, il en prévoit la direction et la façon de le construire. Beaucoup de ses prévisions ont été de vraies prophéties. Cette vision, il ne la traduit pas en lois de développement compliquées et abstraites, mais, avec vigueur, il formule des convictions et des principes d’action qui seront repris, après sa rapide réhabilitation, par tous ceux qui chercheront à élaborer leur propre vision du progrès et à créer les conditions de son avènement. Cette méthode, cette démarche, nous l’appellerions aujourd’hui « prospective ».

Passant du Condorcet du XVIIIème à Condorcet au XXIème, nous voulons incarner son esprit, ses idées et ses recommandations résumés en quelques mots dans les derniers conseils, véritable supplique, qu’il écrit pour sa fille juste avant de mourir.

« Il n’y a pas de spectacle plus affligeant que celui d’un talent méprisé ou négligé, que celui d’un homme que tourmente le sentiment de n’avoir pas rempli sa propre mesure. L’éthique cartésienne commande à chacun de trouver des voies grâce auxquelles il pourra, au moment d’une mort toujours possible, compter sa propre vie avec la certitude d’avoir fait toujours tout ce qu’il pouvait faire afin de se la rendre à lui-même présentable. Fais en sorte que ta vie, en ce qui dépend de ton libre arbitre, soit toujours présentable à tes propres yeux. Se cultiver soi-même est la seule manière de se supporter et d’estimer les autres ».

Dans la ligne de cette injonction, de ce viatique, nous insistons avec force sur la nécessité de créer, grâce à un dialogue social de qualité, à des organisations, et à un management centrés sur l’homme, les conditions de la mise en valeur et de l’accroissement de l’énorme capital humain souvent sous-estimé, voire ignoré, que représentent toutes les compétences, les savoirs, les savoir-faire, l’expérience, les capacités d’innovation et de changement de tous ceux qui œuvrent dans nos entreprises, administrations, régions, comme dans toute organisation où il y a des d’hommes et des femmes. Pour en montrer toute son importance, nous proposons que le capital humain figure au bilan de l’entreprise et, par voie de conséquence, que la formation soit considérée comme un investissement et non comme un coût.

Prenant appui sur la vision de Condorcet nous souhaitons faire connaître nos convictions étayées par l’expérience et le témoignage de tous ceux qui mettent en œuvre les principes qui sont à la base de leur succès, et accompagner ceux qui décident de s’engager dans cette démarche.

Guy Jayne.